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Mythes et légendes de Périllos
31 janvier 2012

L'orientation orientée de l'église et des chapelles de Périllos

Boussole Oriole-5
                      Boussole légendaire devant la chapelle du Val d'Auriole

Nous allons aborder une histoire qui va se révéler des plus humoristiques parmi celles que nous lisons ou entendons sur Périllos.

Les trois lieux de culte de Périllos, l’église, la chapelle Ste Barbe et la chapelle Ste Thérèse du Val d’Auriole seraient exceptionnelles du fait de leur orientation annoncée, peu ou prou, N-S (orientation actuelle pour les deux chapelles, dans le passé en ce qui concerne l’église). Voici encore de quoi attiser notre curiosité, mais, mythe ou réalité ?

Vérifions donc ces affirmations l’une après l’autre, en utilisant les outils à notre disposition ainsi que les textes publiés ou les vidéos de conférence, accessibles via internet.

     1) La chapelle Ste Thérèse du Val d'Auriole

Il n’y a pas longtemps encore, si vous habitiez loin et que l'on vous affirmait qu’une chapelle est orientée nord-sud (Ref 1, 2) ou plus prudemment "proche du nord-sud" (Ref 3), vous étiez bien obligé de faire confiance. Mais aujourd’hui, vous ne l'êtes plus. Un outil moderne des plus fiables - Google Earth - vous permet de vérifier instantanément cette affirmation et cela sans vous déplacer.

La voici cette fameuse chapelle, le nord vous est indiqué par une boussole dans le coin supérieur droit de l’image:

orientation val oriole cadrée

Il semblerait qu'en ce qui concerne cette chapelle, nous soyons bien dans une légende qui a perdu le nord et soit selon l’expression populaire carrément  "à l'ouest".
Le premier postulat (orientation N-S) a ici sérieusement du plomb dans l’aile.
Qu’en est-il du second et de son prudent "proche du nord-sud" ?
Traçons les axes N-S et E-O ainsi qu’en bleu la droite NO-SE : la conclusion s’impose d’elle-même et est sans appel.

orientation val oriole angulée

 Donc "proche du nord-sud" dans le parler légendaire doit se traduire par ""un proche est-ouest" on ne peut plus banal et classique pour n’importe quel lieu de culte, mais cela ne nous arrange pas de dire "plutôt est-ouest"".

     2) La chapelle Ste Barbe

Cette construction est indiscutablement orientée nord-sud, nous le confirmons.

     3) L'église de Périllos

Cette dernière par contre est tout aussi indiscutablement orientée est-ouest, ce qui ruinerait également l’ensemble de la légende. Oui, mais c’est oublier que le propre des légendes est de pouvoir faire fi de toute vraisemblance, de s’affranchir de toutes les contraintes. Elle n’est pas N-S ? Qu'à cela ne tienne, nous allons avoir droit, avec le plus grand sérieux, à un pivotement de l'église.

 Au sujet de ce surprenant pivotement, qui aurait indubitablement laissé des traces historiques, nous aurions voulu découvrir qui en aurait été le décideur, dans quel but, à quelle date, avec quels subsides ?  Nous avons essayé de mettre un peu d’ordre dans les différentes histoires rencontrées pour mieux comprendre. Nous constatons que la légende (il ne peut en être autrement) nous offre deux variantes. Vous pouvez choisir celle qui vous convient le mieux. L'idéal nous vous le disons de suite étant quel que soit votre choix de vite oublier l'autre, car elles se contredisent mutuellement, ce qui est une constante dans les légendes de Périllos, leurs évolutions leur étant toujours fatales sur le plan de la crédibilité et du fondement historique.

Des deux versions proposées, nous allons d'abord citer celle que nous préférons et expliquer pourquoi elle est celle qui nous a le plus diverti : Ramon de Perellos y Roccaful aurait fait procéder au changement d'orientation juste avant la passation du Roussillon à la couronne de France dans le but de faire disparaitre en même temps les caveaux après son ensevelissement. (Ref 4, 5, 6, 7).

  •       Ramon de Perellos y Roccaful (1637-1720) n'a jamais mis les pieds à Périllos, à moins bien sûr que les propriétaires séculaires du lieu ne l'y aient convié à une visite de courtoisie. Or la visite d’un tel personnage (Grand Maitre de l’ordre de Malte, excusez du peu) ne passe pas inaperçue.
  •       Il n’est que de rappeler qu'il était bien jeune quand ces terres, qui appartenaient déjà à d'autres seigneurs que les Pérellos depuis plus de deux siècles, sont passées sous la couronne française (1659). Soit 60 ans avant sa mort. On ne peut être plus prévoyant…
  •      Les seigneurs de Gléon-Durban propriétaires des lieux, l'auraient autorisé à faire ces travaux "avec des bergers" (Ref 5) ? Ce n'est pas une mince affaire pourtant que la déconstruction-reconstruction du lieu de culte du village, sur un sol accidenté (forte déclinaison), pavé de rochers, avec l'approvisionnement discret du bois de charpente, des pierres, de la chaux etc... Le tout dans la plus grande discrétion et sans laisser la moindre trace écrite, le moindre acte notarié. On croit rêver…
  •      Plus surprenant, ces seigneurs de Gléon-Durban, qui comme le prétend la légende, ne rêvaient que d’être enterrés dans le caveau des seigneurs de Pérellos sous l'église ont poussé la discrétion jusqu’à ne pas se mêler des travaux mais auraient par la suite entamé des recherches pour découvrir ce caveau tant convoité, (voir "Spoliation sur ordonnance royale dans ce blog"). Nous le disions, les légendes sont là pour vous divertir, pas pour raconter la vérité. Et c'est incontestablement la plus divertissante.

Nous comprenons mieux pourquoi les légendes de Périllos, qui n'ont pas entièrement perdu le nord, évitent dans cette version de citer des références à des actes notariés ou autres écrits historiques ; il est malaisé de concilier l'inconciliable et d’expliquer des faits incompatibles... Cette version est incontestablement postérieure à celle à laquelle nous allons nous attacher. 

Car dans celle-ci (Ref 1, 3), la preuve en serait fournie dans un ancien relevé notarié X. Tout ce que nous en savons c'est que cette fois ci nous n'avons pas droit aux fameux documents du notaire Courtade. La raison en est évidente, on ne peut raisonnablement trouver des actes concernant des travaux réalisés au moment de l'annexion à la couronne française, soit en 1659  dans un relevé d’actes portant sur les années 1624 et 1632. Evidemment si vous croyez toujours à la réalité des histoires de notaire entretenues par la légende vous pourriez vous poser la question : mais alors quel notaire ? Pourquoi pas Courtade, puisqu'il est affirmé par ailleurs qu’il aurait relevé tout le reste au moment de l'annexion?

Voilà il faudra bien se contenter de cette base, sans aucune preuve, la référence faisant défaut, mais cette fois ci nous n’en savons pas plus sur les personnes qui auraient réalisés ces travaux. Une hypothèse est toutefois avancée sur la cause de ce changement d’orientation. L'église de Périllos aurait été la chapelle castrale des seigneurs et lors de l'annexion, elle serait devenue église. Faut-il en conclure que le village n'avait pas d'église avant ? C’est quand même peu probable. Mais comme par ailleurs les légendes parlent souvent des registres de l'église de Périllos, registres qui à cette époque seraient passés à Durban, c'est qu'il y avait bien une église. Mais ceci n'est qu'un détail que nous relevons a titre documentaire et sort du sujet qui est cette pirouette de l’église. Nous voulons seulement mettre en évidence les innombrables contradictions au sein de ces légendes.

Et nous voici avec une seconde hypothèse pour ce changement d’orientation. Cela a été réalisé "dans le seul but de dissimuler cet étrange plan" (Ref 1 et 3). Oui mais par qui ? Car il nous est précisé en suivant que c'est "dés lors que la région de Périllos passe sous le contrôle du Roi". Ce sont dans ces mêmes références 1 et 3 que nous trouvons l’allusion au relevé notarié auquel nous refusons le titre de preuve.

Il est temps de résumer ce que nous avons relevé dans les deux versions d’un même événement pour apprécier :

D’une part, dans la seconde version rapportée, il est fait état d’un acte notarié (que personne n’a vu), de bâtisseurs inconnus (surprenant dans un acte officiel) et d’une date très approximative ( "dés lors que la région de Périllos passe sous le contrôle du Roi" donc après 1659) et un but (« dissimuler cet étrange plan »). Une date approximative sur un acte notarié ?
Ensuite la légende évolue et nous apprenons qui est l’instigateur (Ramon de Perillos y Roccafull) , nous avons une date approximative (avant 1659), une raison (faire disparaitre l’entrée du caveau convoité) et tout cela pour quelqu’un qui mourra 60 ans plus tard ; toute l’opération se déroule dans le plus grand secret, sans le moindre acte notarié la moindre preuve historique, même avancée sous X. Au-delà de toutes ces incohérences, on s’interrogera avec raison sur l’intérêt soudain à cacher un caveau qui était vraisemblablement apparent depuis des siècles (celui des Perillos) s'il existe.
Vous l'avez bien compris, les deux versions se contredisent mutuellement et démontrent à qui veut y réfléchir qu’en dehors des orientations scientifiquement prouvées, nous sommes bel et bien dans le cadre d’une fiction, d’une légende.

Ne prenons que la « démonstration technique » tendant à démontrer le changement d'orientation d'après des constatations sur le terrain (Ref 8). L'effort est louable, certes, mais stérile, ne s'appuyant finalement que sur une intime conviction. Même en admettant un certain bien fondé des propos tenus, force est de constater notre ignorance complète en ce qui concerne l'histoire des divers bâtiments attenants à cette église, dont on ne sait rien ni des possibles reconstructions suite aux divers sévices dus à des siècles de guerres diverses dans ce Roussillon où elles se sont succédées, sans parler de leurs usages qui ont pu varier au cours du temps.

Mais le fait que les trois églises et chapelles aient été ou non orientés au nord ou à l'est n'a de sens que si l'on en prête un à l'orientation unique et mystérieuse vers le nord. Ce qui n'est absolument pas le cas. Bien sûr, une majorité d'églises sont orientées approximativement vers l'est (comme l'église de Périllos), mais si l'on scrute google Earth, nous découvrons que les orientations sont très variables et très souvent à mi chemin entre le nord et l'est comme la chapelle du Val d’Auriole, telle par exemple St Sernin à Toulouse pour n'en citer qu'une ancienne et connue.
En fait en l'état actuel, Périllos est la représentation parfaite de ce que l'on trouve un peu partout. Quand les églises ou chapelle sont orientées nord-sud, c'est généralement un simple problème de place intra muros ou de conditions géométriques du terrain qui n'offre pas d’autre choix, comme pour la chapelle Ste Barbe et telle l'église de Campagne sur Aude (pour les amateurs de Rennes-le-Château). Quand les Hospitaliers de St Jean de Jérusalem ont voulu l'agrandir, ils n'ont pu le faire qu'en la changeant d'orientation. D'est-ouest, elle est devenue proche de nord-sud. Vous le constaterez facilement sur Google Earth, elle est plutôt coincée. Cet exemple démontre que le côté pratique prévaut toujours sur une orientation privilégiée. Elle n'est pas un cas isolé, mais elle est représentative d’un impératif technique.

Nous lisons d’autre part (Ref 2) que Narbonne est orientée nord-sud mais que c'était obligatoire à cause des remparts. Voici une autre légende. Il suffit de lire l'histoire de la construction inachevée de la cathédrale de Narbonne. Les remparts, devenus indispensables au cours de l’édification ont empêché la poursuite des travaux et l'extension de la cathédrale. Ils n'ont en rien influencé l'orientation de la cathédrale. Constatez seulement comment ces légendes embrouillent tout. La cathédrale de Narbonne n'est même pas orientée nord-sud, ni même proche nord-sud, mais simplement plus ou moins est-ouest.

Cette volonté de voir la chapelle du Val d’Auriole orientée "nord-sud ou proche du nord-sud" en dépit de la réalité géographique qui met à mal "l'étrange plan", et considérant d’autre part les contradictions entre les différentes versions du changement d'orientation de l'église de Périllos et l’absence de preuves tangibles, nous pouvons affirmer sans crainte que cette obsession de l'orientation nord-sud des églises à Périllos est un mythe.

Voici au moins un mystère de résolu car nous pouvons oublier cette question (ref 1) dont nous avons désormais la réponse :

 Comment expliquer l'omniprésence de l'orientation nord-sud des églises à Périllos ?

 

      Bibliographie :

Ref 1 : Les carnets secrets, N°2, Juillet-septembre 2005, directeur de publication André Douzet, ISBN 84-933369-8-X

Ref 2 : http://www.dailymotion.com/video/xfbz02_partie1-rennes-le-chateau_webcam

Ref 3  : La quête de Saunière de Rennes-le-Château à Périllos de André Douzet et Philip Coppens aux éditions Bussière, 2008

Ref 4 : http://www.societe-perillos.com/roccaful.html

Ref 5 : http://www.societe-perillos.com/eglise_per2.html

Ref 6 : http://www.dailymotion.com/video/xfbz8z_rennes-le-chateau-partie-2_webcam#rel-page-1

Ref 7 : http://www.dailymotion.com/video/xh3xxs_de-rennes-le-chateau-a-perillos-par-andre-douzet-part3-fin_people#rel-page-4

 Ref 8 : http://www.societe-perillos.com/eglise_per3.html

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Commentaires
P
Je souhaite vous féliciter pour la richesse de cet article et notamment pour les vérifications sur place de l'orientation de chacune des chapelles du secteur Opoul-Périllos. C'est quand même pathétique que personne n'ait vérifié l'orientation de la chapelle Val Auriole avant vous ! Merci de nous ouvrir les yeux sur les incohérences de certaines légendes... <br /> <br /> <br /> <br /> ps : la chapelle Sainte Barbe ne serait-elle pas tout simplement orientée Nord-Sud à cause de la Tramontane (vent de Nord-Ouest très violent à cet endroit avec des rafale à 120 km/h) ? L'entrée est à l'abri au Sud.
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